dimanche 1 juin 2008

L'allemande

Histoire de noeud ;
ou n'est pas pèdagogue qui veut.

Bac moins 4 :

  • Venu du plateau : "c'est bon, Et vous attachez bien comme il faut hein !" . Nous sommes quatre hisseurs dans la pénombre des coursives au lointain qui venons d'appuyer une perche provisoire soutenant un décor de toile peinte, huit mètres de guinde serpentent à nos pieds. Je noue la mienne à la main courante et attends les instructions tout en surveillant la perche, elle doit rester rectiligne et aucun des quatre fils ne doit glisser pour éviter les faux-plis sur la toile. Comme la suite des opérations semble tarder à venir , je regarde en direction de mon coéquipier le plus proche, je m'en approche tant il fait sombre à cette altitude pour voir où en est son noeud. Pour bien attacher, il attache bien, vingt-cinq tours au bas mot autour de la main courante et comme il ne sait plus quoi faire des mètres ballants, le voilà qui entoure maintenant le restant sur la partie tendue de la guinde allant vers la poulie soutenant la perche. Il semblerait qu'ils se soient passés le mot car les deux autres s'embrouillent aussi dans leur fil. Je me propose donc d'initier le marin d'eau douce se trouvant au plus près de moi à l'allemande, les autres ayant encore bien six mètres de guide à tortiller, je devrais avoir largement le temps de défaire son enchevêtrement et lui montrer comment exécuter un nouage respectable. L'allemande est un noeud aux multiples qualités dont la première est de se dénouer facilement même si une forte tension a été appliquée sur la guinde, les théâtreux les marins et les alpinistes connaissent. À toi, à moi ; à toi, à moi ; à toi, à moi, ; rien à faire ! Il s'applique comme jamais mais n'arrive désespérément pas à enregistrer les mouvements, et nous n'en sommes qu'à l'allemande, il faut ensuite prévoir la nouette sur le noeud plat de fermeture, les autres tortillent toujours. "bon, vous descendez !?.", le régisseur semble lui-aussi s'impatienter, je lie alors en moins de six secondes, nous pouvons quitter les cintres. Pour-sûr, le décor ne risque pas de dégringoler, je plains juste celui qui va devoir dérouler les deux autres ficelages.
Bac plus 4 :
  • L'allemande est, comme précisé dans le paragraphe précédent, un noeud qui se démonte aisément après forte traction, mais il possède une autre qualité non négligeable ; il serre. Plus on tire, plus il contrit, évitant ainsi le glissement de l'objet autour duquel il est réalisé. il convient ainsi parfaitement aux opérations d'arrachage d'arbres où la traction verticale est capitale pour amoindrir l'horizontale et améliorer l'adhérence de l'engin tracteur. Nous sommes en binome, armés d'une longue corde en nylon et d'un joli tracteur pour arracher un arbre. Mon collègue passe la corde autour du tronc et s'empresse d'enchaîner les noeuds plats, le truc ultra-rapide sur le coup pour qui fait des noeuds sans le savoir apte à faire perdre trois plombes, ou obliger de couper la corde, au moment du démontage. Je l'arrête en lui précisant les difficultés à venir s'il persistait dans cette voie. Il me cède la place et préfère grimper sur le tracteur alors que je m'efforce de lui exposer les qualités de l'allemande tout en maniant la corde lentement afin qu'il puisse voir et éventuellement en comprendre la façon. Visiblement, il s'en fiche. Après l'opération d'arrachage proprement dite, il vient vers moi dégoulinant de fierté, je lui prouve mes dires. Il ricane bêtement en me disant qu'il se coucherait moins con ce soir ; qu'il fasse de beaux rêves.


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